Jana Ristic - «Pour être productive, la démarche doit avoir du sens»

Dans le cadre de son mémoire de bachelor, Jana Ristic travaille sur un concept d’atelier du bois qui est aussi un bar, une ludothèque et un lieu de rencontre. «De nombreuses personnes ont envie de réaliser une activité créative, mais ne savent pas comment s’y prendre», explique Jana Ristic, qui souhaite leur donner un coup de pouce avec son projet.

Vous avez attendu 19 ans pour commencer votre apprentissage en menuiserie et 27 ans pour suivre le cursus BSc en Technique du bois. Vous n’empruntez pas toujours le chemin le plus rapide?

À 16 ans, on est trop jeune pour savoir à quoi on souhaite consacrer sa carrière professionnelle – en tout cas les personnes comme moi qui manifestent de la curiosité pour un grand nombre de sujets. C’est pour cela que j’ai pris mon temps, prolongé un peu l’école et exercé divers emplois avant l’apprentissage. Mes parents m’ont soutenue dans ma démarche, notamment quand j’ai effectué un stage en Corée du Sud et du volontariat en Thaïlande pendant mon apprentissage. Cela m’a permis d’acquérir de nombreuses expériences et j’ai pris l’habitude de faire ce qui m’intéresse sur le moment.

Et pourquoi avoir choisi la menuiserie?

Je voulais aussi devenir graphiste ou conceptrice de jeux. Mais j’ai écouté mon père qui est un bricoleur touche-à-tout et qui m’a conseillé de ne pas passer ma vie sur une chaise de bureau. Comme j’aime bien aussi le travail manuel, j’ai choisi l’apprentissage en menuiserie. Pour ne fermer aucune porte, j’ai également obtenu la maturité professionnelle en design pendant mon apprentissage.

Après avoir terminé votre apprentissage, vous avez à nouveau pris une nouvelle orientation. Pourquoi?

Je voulais simplement travailler sans la pression de devoir faire à nouveau mes preuves en tant que femme dans un secteur dominé par les hommes. J’ai donc travaillé dans la gastronomie et en tant qu’hôtesse de l’air, des activités qui figuraient de toute façon sur ma liste de choses à faire. Et avec mon père, nous avons créé une sorte d’entreprise familiale.

Pourquoi avez-vous choisi malgré tout de suivre un nouveau cursus après quatre ans?

Parce que j’aime la vie sur le campus – rencontrer des personnes, passer de bons moments, comme dans les films hollywoodiens (rires). Mais c’est principalement parce que, lorsque j’ai travaillé avec mon père, j’ai réalisé que si nous maîtrisions tous les deux la partie manuelle, je n’avais pas la moindre idée du marketing et des affaires. Je voulais combler ces lacunes avec le cursus BSc en Technique du bois.

Ce cursus a-t-il satisfait vos attentes?

Oui, malheureusement le coronavirus a fait irruption entretemps. Sinon, je serais aujourd’hui en train d’effectuer un stage en Nouvelle-Zélande pour fabriquer des planches de surf produites de manière durable, puis d’écrire mon travail de bachelor à ce sujet. Puisque ce projet est tombé à l’eau, j’ai dû réfléchir à un autre thème pour mon mémoire. Il fallait que je trouve quelque chose qui me plaise et qui ait du sens, sinon cela n’aurait rien donné de productif. J’ai donc décidé de développer mon propre projet qui me permettrait de combiner tous mes centres d’intérêt et mes préférences.

Qu’en est-il ressorti?

Mon travail de bachelor s’intitule «Modèle économique à l’interface» et mon projet est une entreprise dans laquelle tous les participant-e-s travaillent ensemble, les uns pour les autres et aussi pour la société. Je m’intéresse à de nombreuses choses: aux questions psychologiques et sociales, à la gastronomie, aux jeux de stratégie, à l’artisanat. Je veux combiner tout cela. Le concept est un local qui fait office de bar, de ludothèque et d’atelier. On peut y venir pour boire un verre, prendre un encas et s’adonner à des jeux de société. L’atelier est principalement équipé pour le travail du bois, mais on peut également y faire de la poterie, de la peinture ou autre.

Comment avez-vous eu l’idée de ce concept?

J’ai l’impression que de nombreuses personnes aimeraient se lancer dans l’artisanat et laisser parler leur créativité. Mais elles ne savent pas comment s’y prendre. Souvent, il est trop difficile de s’inscrire à un cours, car les informations disponibles sur internet n’attirent pas le regard. Je veux éliminer cet obstacle. Seuls quelques pas séparent le bar et l’atelier et je peux dire aux gens : venez jeter un coup d’œil, il y a un vieux meuble à réparer par ici, ou vous pouvez venir tester des activités créatives et artisanales lors d’un atelier.

Et vous croyez au succès de cette idée?

De nombreuses personnes ont une passion cachée pour l’artisanat; le travail du bois se révèle notamment très populaire auprès des personnes soucieuses de l’environnement. En parallèle, je constate que les activités artisanales traditionnelles, comme la fabrication de meubles, rencontrent de plus en plus de difficultés. Avec ce projet, je souhaite à nouveau éveiller l’intérêt pour l’artisanat, et notamment le travail du bois. On peut envisager une collaboration avec les écoles pour attirer les enfants. Le facteur social importe également beaucoup à mes yeux. Les possibilités sont aujourd’hui nombreuses avec l’internet et les réseaux sociaux, pourtant beaucoup de personnes se sentent seules. Le bar-atelier permettra à des gens de tous horizons de se rencontrer, d’échanger et de faire connaissance. Ce sont ces valeurs qui m’animent.

Pour l’instant, votre projet consiste en un travail de bachelor, il n’existe que sur le papier. Allez-vous le réaliser après vos études?

En fait, la prochaine étape consiste à chercher des investisseurs pour m’aider à réaliser le projet. Mais j’ai 30 ans et avec mon conjoint, nous avons fortement envie de fonder une famille, d’avoir des enfants. C’est pourquoi après mes études, je vais travailler en tant que responsable de projet dans une entreprise de construction bois, parce que cela me plait et que ce poste m’assurera la stabilité financière. Mon projet personnel devra donc attendre un peu. Je ne veux pas trop m’avancer. Je serais aussi ravie que quelqu’un d’autre réalise mon idée et donne vie à la philosophie associée. Peut-être mon conjoint. Ou peut-être qu’une association de soutien verra le jour, que je ferai partie du conseil d’administration et que j’accompagnerai le projet. Je suis très ouverte là-dessus.

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Jana Ristic, projet bar-atelier

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