Étudier de nouvelles formes de logement

15.12.2022 En Suisse, une personne utilise 46 m2 pour se loger, soit quatre fois plus environ qu’en Asie. On observe toutefois un intérêt croissant pour des modes d’habitation qui occupent moins d’espace et préservent l’environnement. Céline Zufferey, étudiante en architecture à la Haute école spécialisée bernoise BFH, explore deux tendances du moment dans son travail de master.

Tobias Baitsch (à droite) et Stanislas Zimmermann discutent avec Céline Zufferey de son travail de master.
Tobias Baitsch (à droite) et Stanislas Zimmermann discutent avec Céline Zufferey de son travail de master. Image: Peter Bader

Céline Zufferey a vécu une enfance dépaysante, au sens propre du terme. Née en Suisse, elle déménage avec sa famille à l’âge d’un an au Canada, où elle passera quatre ans avant de revenir en Suisse pour cinq ans. Sa famille retourne ensuite au Canada pour quatre ans, puis s’envole pour l’Australie. Aujourd’hui âgée de 25 ans, Céline Zufferey habite de nouveau en Suisse depuis 2020. Son père, ingénieur électricien de formation, travaillait comme chef de projet auprès d’une entreprise internationale, ce qui explique les déménagements aux quatre coins du globe. Une expérience qui n’a pas toujours été facile à vivre, se souvient-elle. «J’ai dû quitter beaucoup d’amis et à chaque fois m'intégrer dans de nouveaux groupes de jeunes, ce qui me prenait beaucoup d’énergie.»

Communauté et petit espace

Les nombreux changements de pays ont donné à Céline Zufferey la possibilité de découvrir différentes formes de logement. En Australie et au Canada, où l’espace ne manque pas, elle habitait dans de grandes maisons «avec des pièces qui servaient uniquement à accueillir les invités». À l’inverse, pendant ses études universitaires en Australie, elle occupait une petite chambre dans un foyer pour étudiant-e-s avec une cuisine partagée. En ce moment, elle vit en colocation à Bienne. «Pour être honnête, je ne me sens pas très bien dans ce type de logement», explique l’étudiante en architecture. «C’est aussi pour cette raison, pour approfondir le sujet, que j'ai choisi de consacrer mon travail de master à la vie en communauté dans un petit espace.»

Plus d’un quart de l'impact environnemental

Cette thématique d’actualité associe deux tendances: habiter dans de petits espaces et vivre en communauté. Des façons différentes de se loger qui répondent à la prise de conscience de l’impact qu’ont la construction et l’habitat sur l’environnement. La taille moyenne d’un appartement en Suisse est de 100 m2, auxquels s’ajoutent souvent une cave, un grenier, un jardin ou un balcon. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), chaque personne utilise quelque 46 m2, contre 36 m2 en 1980. Le logement est responsable de plus d’un quart de l’impact global sur l'environnement dans notre pays. Plus la surface d’habitation est grande, plus les émissions générées sont élevées, comme le montre une étude de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).

Nous sommes appelés à réduire cette empreinte. Les logements partagés entre plusieurs ménages font partie des solutions. Si chaque famille dispose d'un espace pour dormir et se retirer, cuisine et pièce à vivre sont communes. Les lotissements zurichois sur les sites de Hunziker et Kalkbreite ou la coopérative Warmbächli, à Berne, en sont des exemples. En parallèle se développe la tendance aux petits espaces, avec des logements dont la surface totale n’excède pas 40 m2. Contrairement aux immeubles conventionnels, ces unités n'ont pas de fondations fixes, mais sont posées sur roues par exemple, ce qui permet de les déplacer facilement. Le modèle le plus connu est celui de la tiny house, généralement calqué sur le profil de la maison moderne ou traditionnelle, mais en version micro, puisqu’elle ne dépasse pas 25 m2 au sol.

«Mode de vie alternatif»

Ces nouvelles formes de logement occupent moins d’espace et permettent une construction plus dense. Souvent, les maisons sont faites de matériaux durables comme le bois et utilisent des sources d’énergie renouvelables. «Ce type d’habitat reflète aussi un mode de vie alternatif», souligne Stanislas Zimmermann, professeur d’architecture et de conception architecturale à la BFH et responsable de filière pour le master en architecture. «Les personnes qui font ce choix sont plus proches de la nature, paient moins de loyer et se sont détachées de nombreux biens matériels: tout cela ouvre de nouveaux espaces de liberté.» À côté de son activité à la BFH, Stanislas Zimmermann gère avec sa partenaire un bureau d'architectes à Zurich, spécialisé notamment dans la construction en bois et autres matériaux naturels. Il rappelle qu’en dépit de leurs avantages, ces solutions alternatives n’échappent pas à la critique: les tiny houses par exemple pourraient accentuer le mitage du paysage si on les laisse pousser comme des champignons. Les logements collectifs ont certes permis de diminuer la surface par personne, mais celle-ci reste supérieure à 30m2.

L’Asie comme modèle

Pourquoi ne pas combiner ces deux types d’habitat? Les pays d’Asie comme le Japon ou la Corée du Sud pourraient servir de modèle: aujourd’hui déjà, la surface par personne y est environ quatre fois moins importante qu’en Suisse. À Séoul, capitale sud-coréenne, l’immeuble Songpa Micro Housing est un excellent exemple. Il se compose de 14 unités superposées de 11m2, qui servent d’espaces privatifs d’habitation et de travail ou d'espaces collectifs. C’est là que se rejoignent Céline Zufferey et Stanislas Zimmermann. Ce dernier assure le suivi du travail de master de l’étudiante, en collaboration avec Tobias Baitsch, responsable du domaine Architecture à la BFH.

Il s'agit dans un premier temps d’analyser les fondements théoriques de ces modes d’habitation alternatifs. Céline Zufferey développera ensuite, d’ici à l’été 2023, un projet de construction concret pour le site de la Gurzelen, à Bienne. «Il faudrait à l’avenir construire de façon plus diversifiée en Suisse car les besoins de la population évoluent», précise-t-elle. L’appartement classique de 3,5 ou 4,5 pièces ne fait plus l’unanimité. «À la BFH, la durabilité est un thème prioritaire», ajoute Stanislas Zimmermann. «D’où l'importance d’étudier ces manières d’habiter autrement pour déterminer ce qui est réalisable et ce qui l’est moins dans notre pays.»

Bild von Seoul
Songpa Micro Housing à Séoul: un immeuble composé de 14 unités combinées de 11m2, parfait exemple de logement communautaire sur un petit espace. Image: ssdarchitecture.com