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Des achats virtuels, mais un apprentissage bien réel
27.11.2025 Comment faire l’expérience, et même l’apprentissage d’une consommation alimentaire durable et saine ? Dans le jeu en réalité virtuelle « Sustain-a-Bite Bistro », codéveloppé par la BFH-HAFL, chaque achat compte.
Les lunettes de réalité virtuelle (RV) s’abaissent lentement sur les yeux et révèlent l’entrée du supermarché de « Greencity », une ville du futur où la durabilité est une priorité. Vu au travers des lunettes RV, ce nouveau monde semble étonnamment réel, mais provoque au premier abord une sensation inhabituelle, similaire à l’impression d’avoir un coup dans l’aile. « C’est tout à fait normal », rassure Matthias Meier, enseignant en économie alimentaire durable à la BFH-HAFL.
Il est chargé de l’évaluation de la durabilité du projet Sustain-a-Bite Bistro, et suit sur son écran l’expérience vécue par les joueurs et joueuses pour les accompagner dans ce voyage virtuel. Celui-ci commence par un choix à faire pour trois plats : entrée, plat principal, dessert. On sélectionne un plat après l’autre. Dans le rôle de Cléo, chef-fe cuistot, on doit trancher : burger à base de viande de bœuf conventionnelle ou alternative végétale bio ? Le déroulement du jeu diffère en fonction des décisions.
Il s’agit ensuite de procéder aux achats : au lieu de parcourir les allées avec son chariot, on se téléporte de rayon en rayon et on saisit les produits grâce au joystick pour les déposer dans son panier numérique d’un simple geste de la main. Faire ses courses à Greencity ne prend ainsi que quelques minutes, contrairement à la réalité.
Apprendre par tous ses sens
Greencity existe réellement: c’est un laboratoire pédagogique virtuel. Le jeu Sustain-a-Bite Bistro est développé par la BFH-HAFL en collaboration avec la Haute école fédérale en formation professionnelle (HEFP) et financé par BeLEARN, le centre de compétences pour la numérisation dans la formation. L’objectif est de montrer aux étudiant-e-s et apprenti-e-s comment leurs choix alimentaires influencent l’environnement, la société, l’économie et la santé, et de les outiller pour prendre des décisions éclairées.
Le jeu leur fait endosser le rôle de chef cuisinier ou cheffe cuisinière pour composer un menu qui doit convaincre trois membres virtuel-le-s d’un jury. Le défi va au-delà des saveurs : chaque ingrédient joue sur le baromètre de la durabilité, reflet de critères écologiques, économiques, sociaux et de santé. La partie se termine avec le feedback des trois membres du juryàla caisse virtuelle du supermarché : des compliments pour les décisions durables et des remarques sur celles qui le sont moins.
« Pour l’instant, le prototype évalue seulement l’empreinte climatique », explique M. Meier. « Nous ajouterons d’autres aspects environnementaux, ainsi que la durabilité sociale, l’économie et la santé, afin de prendre en compte toutes les dimensions. »
Nous voulons savoir si le jeu suscite la réflexion.
Didactiquement bien pensé
Les étudiant-e-s du bachelor Food Science & Management à la BFH-HAFL testent le prototype dans une première phase pilote. Il ne s’agit pas seulement de questions techniques, comme vérifier qu’une commande fonctionne ou que les instructions sont claires, mais aussi de l’impact pédagogique. « Nous voulons savoir si le jeu suscite la réflexion », indique M. Meier.
« La perception de la durabilité évolue-t-elle ? L’expérience virtuelle amène-t-elle les étudiant-e-s à remettre en question leurs choix de consommation ? » Le jeu se joue à deux : une personne choisit les produits, l’autre observe, donne un feedback, puis elles débattent des décisions. Cet apprentissage dialogique favorise les échanges et aide à réfléchir à l’expérience vécue.
Pour que cette expérience de jeu ne soit pas trop intense, une séquence dure au maximum dix minutes. Le risque de cybercinétose, le malaise ou la nausée due à un trouble du système vestibulaire, s’en trouve ainsi réduit, mais pas l’effet d’apprentissage.
Quand l’apprentissage devient une expérience
« Les apprenant-e-s ne sont pas seulement confrontés à des faits, mais vivent ‹ en direct › les conséquences de leurs actions grâce à cette immersion totale dans le monde virtuel », déclare M. Meier. Les spécialistes parlent d’expérience immersive, c’est-à-dire le sentiment de faire réellement partie de l’environnement numérique. « Ce type d’apprentissage par l’expérience peut être plus efficace que les formes d’enseignement classique », ajoute M. Meier. La BFH-HAFL conçoit le contenu relatif à la durabilité et à la santé, tandis que l’HEFP gère le scénario pédagogique et l’environnement virtuel.
Selon M. Meier, il est important que le jeu s’inscrive dans un concept didactique. Si l’enseignement traite, en amont et en aval, de sujets comme les limites planétaires et la durabilité, le jeu convient autant à l’enseignement professionnel qu’aux études de bachelor. En parallèle du projet, une étude doit mesurer, par un sondage avant-après, dans quelle mesure les attitudes des apprenant-e-s évoluent, p. ex. quant à leur préférence pour des produits respectueux du climat ou à leur réflexion sur le contexte social des aliments.
Les apprenant-e-s ne sont pas seulement confrontés à des faits, mais vivent ‹ en direct › les conséquences de leurs actions grâce à cette immersion totale dans le monde virtuel.
Un aperçu de la suite
D’ici fin 2025, le jeu intègrera entièrement la durabilité écologique. D’ici l’automne 2026, il inclura toutes les dimensions de la durabilité et sera aussi disponible en version desktop. Il est aussi prévu de le traduire en plusieurs langues. Ce qui n’est encore aujourd’hui qu’une expérimentation numérique montre ce que l’éducation au développement durable pourrait être à l’avenir : interactive, en réseau, immersive.