Améliorer les conditions de vie grâce aux tanins locaux

08.04.2020 Aux Philippines, on extrait le tanin, agent de tannage, de manière durable et écologique et on l’utilise comme adhésif à base biologique. La Haute école spécialisée bernoise BFH a bâti une usine de démonstration sur place avec ses partenaires et monté une ferme pilote pour les espèces d’arbres riches en tanin.

Une équipe de recherche de la Haute école spécialisée bernoise BFH coopère avec ses partenaires philippins sur le projet « Pinoy Tannin ». Ils développent des stratégies pour implanter et promouvoir le tanin philippin, afin d’en faire bénéficier la population locale en particulier. « Près de 25 millions de personnes dans les hautes terres philippines dépendent de la forêt. Leurs faibles revenus proviennent principalement du commerce conventionnel du bois et de la noix de coco », explique Sauro Bianchi, responsable du projet de recherche à l’Institut des matériaux et de la technologie du bois IWH de la BFH.

Mais dans quelle mesure le tanin peut-il contribuer à augmenter les revenus et, partant, améliorer le niveau de vie de la population ? Le tanin est obtenu par simple extraction d’eau chaude à partir de dérivés de l’agroforesterie. Aujourd’hui, cet agent de tannage naturel est utilisé entre autres pour la production de cuir, mais aussi comme adhésif biologique ou comme produit de préservation du bois écologique. À l’avenir, on extraira le tanin de la biomasse locale – écorce ou coques de noix de coco –, jusqu’alors négligée. « À plus long terme, avec ce projet, nous cherchons à encourager la gestion durable du territoire et le reboisement, ainsi que la création de nouveaux emplois », ajoute Bianchi.

C’est pourquoi fournisseurs, clients et producteurs locaux sont activement impliqués dans la chaine de valeur pendant la production de cet adhésif naturel. Car, comme le suggère le nom du projet « Pinoy Tannin », le tanin nouvellement obtenu doit être un produit entièrement philippin. Les Philippins se servent du terme « Pinoy » pour décrire leur appartenance ethnique.

Une usine d’extraction et une ferme pilote
 

Au cours des deux dernières années, l’équipe de recherche a déjà pu engranger plusieurs résultats et succès. Elle a par exemple identifié six sources prometteuses de tanins à partir de plus de 30 produits résiduels différents du secteur agroforestier philippin : outre les coques de noix de coco, citons l’écorce d’espèces d’arbres locales. Elle a également contribué à la construction d’une usine de démonstration pour l’extraction du tanin à l’eau chaude. L’usine est exploitée grâce à l’énergie solaire, peu couteuse et renouvelable.

Les tanins locaux extraits jusqu’à présent dans cette usine de démonstration ont déjà prouvé leur grande efficacité en tant que liant naturel. On a pu les utiliser avec succès comme adhésif dans la production de plusieurs échantillons de contreplaqué en laboratoire. « À l’avenir, nous continuerons à améliorer la formule des adhésifs à base de tanin en collaborant avec un fabricant local d’adhésifs », ajoute Bianchi. Le tanin philippin s’est avéré également concluant pour lutter contre les parasites. En laboratoire, on a pu apprécier son efficacité comme produit naturel de préservation du bois contre les termites. Enfin, le projet a permis de monter une ferme forestière pilote sur place. « Nous avons planté sur deux hectares de jachère philippine des semis d’espèces d’arbres prometteuses et riches en tanin », explique Bianchi. L’objectif est d’identifier les méthodes agroforestières les plus efficaces pour l’avenir afin d’améliorer l’élevage de différentes espèces de tanins dans la région, précise le responsable du projet.

Exploiter la noix de coco dans sa totalité
 

La technologie d’extraction du tanin s’avère particulièrement intéressante pour l’industrie philippine de la noix de coco. La coque de la noix de coco est encore aujourd’hui un produit dérivé, sans réelle valeur. Mais cela pourrait changer grâce à la technique d’extraction du tanin à l’eau chaude. Le tanin de la noix de coco a déjà prouvé qu’il pouvait être utilisé à d’autres fins, notamment comme adhésif. Le projet Cocoboards de la BFH, porté par la même équipe de recherche, a étudié l’application de ce liant naturel dans la fabrication de panneaux à base de fibres de coco. La mise en œuvre et la viabilité commerciale de ces panneaux à base de coco sont actuellement examinées dans le cadre d’un autre projet de recherche de la BFH, Innosuisse Bridge Projekt. En attendant, l’équipe de recherche de la BFH qui entoure Sauro Bianchi développe le savoir-faire scientifique, technologique et économique nécessaire pour bâtir aux Philippines une usine de noix de coco qui ne produise pas de déchets. Les connaissances acquises dans le cadre de ce projet d’usine exploitant la totalité de la noix de coco seront ensuite mises à la disposition de la population locale.

Pinoy Tannin – vielseitig, biobasiert und wirtschaftlich

L’utilisation des produits dérivés de la chaine forestière et agroalimentaire est un facteur clé de l’amélioration de la qualité de vie des communautés rurales philippines. Elle est également cruciale pour découpler la croissance économique de la dégradation de l’environnement dans les pays en développement.
Les résultats visés par le projet ont une incidence sur trois objectifs de l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable : la gestion durable des ressources naturelles, l’augmentation du boisement et du reboisement, et la standardisation des petites et moyennes entreprises.

Deux départements de la Haute école spécialisée bernoise BFH sont déjà impliqués dans le projet : le département Architecture, bois et génie civil AHB et la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL. Les partenaires philippins de la BFH sont l’institut Forest Product Research and Development Institute, la Philippine Coconut Authority et la Visayas State University. Les partenaires de pilotage sont les Agences fédérales pour l’environnement, l’agriculture, le commerce et l’industrie des Philippines, le programme d’échange Non-Timber Forest Products ainsi que des représentant-e-s de l’industrie locale.

Le projet bénéficie du soutien du Swiss Programme for Research on Global Issues for Development (r4d programme).

Rubrique: Recherche