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L'hightech rencontre l'intuition
27.11.2025 Des capteurs et robots à l’analyse numérique de données en passant par l’IA, les technologies intelligentes changent notre façon de travailler, d’apprendre et de faire de la recherche. Dans cet entretien, les responsables des nouvelles technologies à la BFH-HAFL précisent ce qu’elles recèlent et leurs opportunités.
Nouvelles technologies, technologies intelligentes, intelligence artificielle – ces mots sont sur toutes les lèvres. Quelles sont les différences ?
Philippe Aebischer : Les nouvelles technologies sont des développements numériques apparus ces dernières années, tels que capteurs, logiciels ou outils. Les technologies intelligentes vont plus loin : elles sont en réseau, recueillent des données et peuvent piloter automatiquement des processus. L’IA apprend à partir des données et prend des décisions. Une technologie intelligente peut utiliser l’IA, mais ce n’est pas systématique.
Et qu’est-ce qui relie ces nouvelles technologies ?
Roger Robyr : Les données. Celles-ci permettent un apprentissage automatisé et donnent aux systèmes la capacité d’effectuer des tâches variées. Parallèlement, les technologies nous fournissent de nouvelles données. La BFH-HAFL met l’accent sur les capteurs, l’analyse de données, la robotique et l’IA appliquée.
Comment les « nouvelles technologies » ont-elles changé ?
P. A. : Par le passé, on s’intéressait à des appareils ou programmes individuels. De nos jours, ce sont des écosystèmes numériques dans lesquels les capteurs, les plateformes cloud et l’IA travaillent ensemble. Ce qui est nouveau aujourd’hui sera bientôt une évidence.
R. R. : Exactement, le développement s’accélère. Les technologies de rupture, qui transforment des domaines entiers et la société, sont marquantes. Le développement d’internet, les smartphones ou l’accès aux systèmes d’IA ont profondément influencé notre quotidien.
Que font les nouvelles technologies aujourd’hui ?
P. A. : Elles rendent les processus plus efficaces et nous fournissent de nouvelles données – un des grands avantages. Néanmoins, elles ne résolvent pas automatiquement tous les problèmes.
R. R. : Il est crucial d’employer les nouvelles technologies à bon escient. Nous devons apprendre à les utiliser de manière judicieuse, durable et éthique.
Quels sont les exemples à la BFH-HAFL ?
P. A. : Dans le domaine de l’agronomie, des drones effectuent des mesures. Le système « estiGrass3D+ » peut estimer précisément la quantité d’herbe, ce qui permet de mieux planifier le moment de la fauche et la gestion du fourrage. Des satellites, des drones et des capteurs surveillent la forêt en permanence, comme pour le projet « Internet of Soils » (voir p. 16) ou le système de détection précoce des scolytes. En Food Science & Management, les chaines d’approvisionnement numériques et les processus automatisés assurent davantage de transparence et de contrôle.
Y a-t-il un exemple qui relie tous les domaines de spécialité ?
R. R. : Oui, la chaine de valeur d’un produit. Des technologies telles que la blockchain, un système numérique décentralisé qui stocke des données de manière sécurisée et exécute des processus automatiquement, combinées à des capteurs en réseau et à l’IA, permettent d’apporter plus de transparence, d’efficience, de durabilité et de sécurité, qu’il s’agisse de fromage, de bois ou de café.
En quoi les nouvelles technologies profitent-elles à tout le monde ?
P. A. : Le traitement des images est très utile. Les ordinateurs restent toujours concentrés et peuvent donc aider dans les transports ou la technologie médicale. En agriculture, ils aident à détecter les changements de comportement des animaux ; en production alimentaire, ils améliorent le contrôle de la qualité et en sciences forestières, ils facilitent le monitoring des arbres et des infestations de ravageurs.
R. R. : Nous profitons constamment des nouvelles technologies, souvent sans le remarquer. Dans les smartphones p. ex., l’IA améliore automatiquement la qualité des photos. Et il existe beaucoup d’autres applications, comme en médecine ou dans l’approvisionnement d’énergie.
Nous profitons constamment des nouvelles technologies, souvent sans le remarquer. Dans les smartphones p. ex., l’IA améliore automatiquement la qualité des photos. Et il existe beaucoup d’autres applications, comme en médecine ou dans l’approvisionnement d’énergie.
Quelles sont les opportunités qui s’ouvrent pour les sciences agronomiques, forestières et alimentaires ?
P. A. : Les nouvelles technologies soutiennent la recherche et la pratique. Elles fournissent de meilleures bases de décision et créent de nouveaux domaines de travail et d’innovation.
R. R. : Les opportunités résident avant tout dans la conception et la mise en réseau plus durables des systèmes, une meilleure utilisation des données et l’optimisation des processus.
Et quelles sont les limites ?
R. R. : À trop se fier aux technologies sans les comprendre, on risque de perdre la vision d’ensemble critique. À cela s’ajoutent les couts, la dépendance vis-à-vis des données et la perte d’expertise pratique.
P. A. : La dépendance croissante à la technologie est un défi, tout comme les changements sur le marché du travail.
Quelles seront donc les compétences requises à l’avenir ?
P. A. : Les étudiant-e-s doivent comprendre le fonctionnement des nouvelles technologies et savoir les utiliser à bon escient dans leur domaine. Le minor Nouvelles technologies leur apprend à travailler à l’interface entre connaissances spécialisées et savoir-faire technique en programmant, en entrainant des IA et en évaluant la charge de travail, les couts et la qualité de tels systèmes.
R. R. : Et ils apprennent à débattre des nouvelles technologies et de leurs applications. La curiosité, la flexibilité, l’esprit critique et l’utilisation consciente et durable des technologies sont importants chez les spécialistes.
Dans quelle mesure l’être humain reste-t-il important ?
P. A. : Permettez-moi une analogie avec la musique. Dans les années 70, on a reproché à Pink Floyd de trop dépendre de la technique. Le groupe a répondu : il s’agit de maitriser la technique, non l’inverse. Ce principe reste valable pour moi aujourd’hui. La technique seule ne suffit pas. La connaissance d’un domaine, l’expérience et aussi l’intuition sont décisives. Les meilleurs modèles ne remplacent pas l’expertise humaine. La technique est un outil que nous contrôlons.
R. R. : Tout à fait : la composante humaine reste centrale. Les chatbots ont beau fournir des réponses convaincantes, nous décidons en fin de compte ce qui est juste.